Les entreprises concernées par la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) doivent se préparer à un défi de taille : publier leur premier rapport de durabilité, et ce, dès 2025 pour certaines d’entre elles. Mais dans la jungle des nouvelles exigences, il est facile de se sentir perdu : par où commencer ? Quelles informations sont vraiment attendues ?
Heureusement, deux normes viennent baliser le chemin : les ESRS 1 et ESRS 2. Elles fixent les règles de base et aident les entreprises à structurer leur rapport de manière claire et cohérente.
Alors que disent concrètement ces normes ? Quelles informations sont essentielles ? Et comment garantir un reporting adapté ? On décode tout ça dans cet article.
Rappel du cadre normatif de la CSRD : les ESRS en bref
Au cœur de la nouvelle directive CSRD, on trouve les ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Ces normes, conçues par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), définissent les exigences détaillées que les entreprises doivent suivre pour produire un rapport de durabilité complet et crédible.
En pratique, les ESRS se divisent en plusieurs catégories :
1) Des normes transversales
Il s’agit des ESRS 1 et ESRS 2 (bases communes à toutes les entreprises), auxquelles on va s'intéresser plus en détail tout de suite.
2) Des normes thématiques
Elles sont au nombre de 10 et elles couvrent les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.
Elle se déclinent elles-mêmes en 3 sous-catégories :
ESRS E1 Changement climatique
ESRS E2 Pollution
ESRS E3 Ressources marines et en eau
ESRS E4 Biodiversité et écosystèmes
ESRS E5 Utilisation des ressources et économie circulaire
- Des normes dédiées au volet social :
ESRS S1 Main d’oeuvre de l’entreprise
ESRS S2 Employés de la chaîne de valeur
ESRS S3 Communautés concernées.
ESRS S4 Consommateurs et utilisations
- Une norme dédiée à la gouvernance :
ESRS G1 Conduite commerciale
3) Des normes sectorielles
Elles ont vocation à aborder les impacts, risques et opportunités de durabilité spécifiques à des industries particulières. Mais elles ne sont pas encore disponibles, et ne s’appliqueront qu’à partir de 2026.
Maintenant que le cadre général des ESRS est posé, passons au cœur du sujet, à commencer par l’ESRS 1, véritable colonne vertébrale du rapport de durabilité.
L’ESRS 1 : les principes généraux du reporting de durabilité
La norme ESRS 1 correspond à ce qu’on appelle les “General Requirements”. Elle est détaillée dans un document officiel de l’EFRAG qui compte une quarantaine de pages.
Ce texte explique les concepts fondamentaux de la CSRD, l’architecture des normes ESRS, ainsi que les principales exigences en matière de présentation des indicateurs dans le rapport de durabilité.
Un cadre basé sur la double matérialité
L’ESRS 1 introduit le concept de double matérialité, une approche unique qui combine deux perspectives complémentaires :
- La matérialité financière, qui analyse comment les enjeux de durabilité impactent la situation financière, les risques et les performances de l’entreprise.
- La matérialité d’impact, qui évalue comment l’entreprise influence l’environnement, la société et les parties prenantes à travers ses activités.
Ce cadre garantit que les sujets les plus significatifs, pour l’entreprise et ses parties prenantes, soient clairement identifiés et inclus dans le rapport : c’est tout l’enjeu du travail à réaliser autour des IRO (impacts, risques, opportunités), autre concept détaillé dans la norme ESRS 1.
Une méthodologie exigeante au service de la transparence
L’ESRS 1 s’appuie sur des principes qualitatifs pour encadrer la préparation des rapports de durabilité. Ces principes, tels que la pertinence, la comparabilité, la clarté, la fiabilité et la vérifiabilité des données, sont au cœur de l’approche.
L’objectif est d’assurer que les informations divulguées ne soient pas seulement conformes, mais aussi utiles et exploitables pour les utilisateurs, notamment les investisseurs et autres parties prenantes.
L’ESRS 1 impose par ailleurs une vision élargie de la durabilité en prenant en compte les impacts tout au long de la chaîne de valeur. Les entreprises doivent examiner non seulement leurs activités directes, mais aussi celles de leurs fournisseurs, partenaires et clients.
Par ailleurs, la norme intègre une perspective temporelle essentielle : elle exige que les entreprises relient leurs performances passées à leurs objectifs futurs. Une distinction claire entre les horizons court, moyen et long terme doit être faite pour assurer une vision cohérente et mesurable.
Une clarification de la structuration des rapports
La norme ESRS 1 propose enfin des lignes directrices pour organiser les rapports de durabilité, tout en assurant leur cohérence avec le reporting financier. Elle introduit des exemples non contraignants pour aider les entreprises à structurer leurs déclarations et garantit que les erreurs passées, les incertitudes et les événements postérieurs soient correctement documentés.
Des dispositions transitoires offrent également une flexibilité initiale aux entreprises, notamment pour les données sur la chaîne de valeur et les comparaisons d’une année sur l’autre.
L’ESRS 2 : les informations générales à inclure
La norme ESRS 2 détaille quant à elle les “General Disclosures”, c’est-à-dire les informations générales que toutes les entreprises doivent divulguer dans leur rapport de durabilité. Là encore, le texte officiel de l’EFRAG est plutôt dense car il fait une trentaine de pages, et il est structuré en 5 grandes parties.
1. Bases de préparation (BP)
L’ESRS 2 impose tout d’abord aux entreprises d'expliquer les principes et méthodologies qu’elles auront utilisés pour préparer leurs déclarations de durabilité.
Elles devront par exemple préciser si elles ont appliqué un périmètre consolidé ou individuel, et expliquer comment elles ont effectué leur analyse de double matérialité et intégré leurs parties prenantes.
Cette partie précise aussi que les entreprises devront justifier les raisons pour lesquelles elles auraient omis de publier certaines informations dans leur rapport, et de documenter les éventuels changements méthodologiques, ou les estimations incertaines.
2. Gouvernance (GOV)
Cette section de l’ESRS 2 précise ensuite la transparence attendue sur les rôles, responsabilités et processus de gouvernance en matière de durabilité.
Les entreprises doivent divulguer des informations sur :
- Le rôle des organes de gouvernance dans la supervision des enjeux de durabilité (GOV-1).
- Les informations fournies aux organes dirigeants et les décisions prises sur les sujets ESG (GOV-2).
- L’intégration des performances de durabilité dans les systèmes d’incitation (GOV-3).
- Une déclaration sur la due diligence (GOV-4).
- La gestion des risques et les contrôles internes liés au reporting de durabilité (GOV-5).
3. Stratégie (SBM)
Cette section explique en détail ce que les entreprises doivent préciser sur :
- Leur stratégie, modèle économique et chaîne de valeur (SBM-1).
- Les intérêts et attentes des parties prenantes (SBM-2).
- L’interaction entre les impacts, risques, opportunités et leur stratégie (SBM-3).
4. Impacts, risques et opportunités (IRO)
Cette section de l’ESRS 2 détaille ensuite le processus par lequel les entreprises doivent identifier, évaluer et gérer leurs impacts, risques et opportunités liés à la durabilité.
Les entreprises doivent :
- Décrire leur processus d’évaluation des sujets matériels (IRO-1).
- Relier les impacts, risques et opportunités aux normes spécifiques (IRO-2).
Elles doivent également fournir des informations minimales sur :
- Les politiques (MDR-P) : politiques adoptées pour gérer les enjeux matériels.
- Les actions et ressources (MDR-A) : initiatives mises en œuvre pour adresser ces enjeux.
5. Indicateurs et cibles (MT)
Enfin, l’ESRS 2 exige que les entreprises expliquent comment elles mesurent leurs performances en matière de durabilité et suivent leurs progrès :
- Les indicateurs clés (MDR-M) liés aux sujets matériels.
- Les objectifs (MDR-T) définis pour suivre l’efficacité des politiques et des actions.
Tout cela peut évidemment paraître assez technique, mais ces différentes parties fournissent un cadre méthodologique essentiel pour aborder ensuite les normes thématiques et sectorielles.
Les ESRS 1 et 2 forment donc finalement le socle commun du reporting de durabilité dans le cadre de la CSRD. Ces normes transversales sont indispensables pour structurer un rapport clair et conforme. Il est donc essentiel de les comprendre et de les maîtriser pour s’assurer de répondre aux exigences réglementaires et construire un reporting durable efficace.