Quels sont les principaux objectifs de la CSRD ?

Par Pierre Guerry
2 janvier 2025
4 min
Sommaire

L’Union européenne passe à la vitesse supérieure avec la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), une réforme qui bouscule le paysage du reporting extra-financier. Mais que cherche réellement à accomplir cette directive ambitieuse et structurante ? 

Transparence totale, mise en lumière des performances ESG, harmonisation des standards… une chose est sûre : les objectifs de la CSRD ne se limitent pas à de simples obligations administratives. Ils reflètent une volonté de transformation profonde, qui pousse les entreprises à aligner leurs pratiques sur les enjeux du XXIe siècle. 

Dans cet article, nous partons à la découverte des ambitions de cette directive.

Pourquoi une nouvelle directive sur le reporting ESG était nécessaire ?

Corriger les failles de la NFRD

La précédente directive dédiée au reporting extra-financier, la NFRD (Non-Financial Reporting Directive), adoptée en 2014 par la Commission Européenne, souffrait de nombreuses insuffisances :

  • Manque de clarté : les entreprises avaient une grande liberté dans leur manière de communiquer sur leurs performances ESG, ce qui entraînait un flou important dans l’interprétation et la publication des données.
  • Diversité des standards : l’absence de cadre commun rendait les rapports très hétérogènes, et donc difficilement comparables entre entreprises, y compris du même secteur.
  • Manque de fiabilité : l’absence de vérification ou de certification des rapports réduisait la crédibilité des informations rapportées, et impliquait un risque de greenwashing.
  • Champ d’application restreint : la NFRD ne concernait qu’environ 11 700 entreprises au sein de l’Union Européenne, soit un pourcentage limité du tissu économique. 

La CSRD a donc été pensée pour combler toutes ces lacunes et instaurer un cadre plus clair, précis et harmonisé.

Répondre aux attentes croissantes des parties prenantes

Ces dernières années, la place des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la vie économique et le débat social a pris beaucoup d’importance. Les parties prenantes réclament donc désormais davantage d’informations transparentes et fiables.

Par exemple :

  • Les consommateurs demandent quant à eux plus de responsabilité et de transparence de la part des entreprises, pour consommer de manière plus durable. D’après l’édition 2024 du baromètre GreenFlex-ADEME sur la consommation responsable, 79% des Français souhaitent que les entreprises réévaluent leurs modèles économiques afin de privilégier les pratiques éthiques à la croissance économique effrénée. 

La mise en œuvre de la CSRD visait également à ces attentes en fixant des normes claires.

Aligner les exigences de reporting avec les grandes politiques européennes

Pour finir, la CSRD s’inscrit pleinement dans les grandes orientations stratégiques de l’Union européenne, et notamment dans le Pacte vert européen, qui vise à faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone d’ici 2050.

L’UE aspire à se positionner comme un acteur incontournable dans la transition vers une économie mondiale durable. Et la CSRD contribue à impliquer les entreprises dans cette ambition, tout en renforçant leur crédibilité sur la scène internationale, en faisant de la transparence un atout compétitif.

Les objectifs affichés de la CSRD en matière de reporting extra-financier

Améliorer la transparence en matière de pratiques ESG

C’est évidemment LE grand objectif de la CSRD : améliorer la disponibilité des données extra-financières des entreprises.

D’abord, la directive frappe fort en élargissant le champ des entreprises concernées. Fini le temps où seules les grandes entreprises cotées étaient tenues de publier des rapports extra-financiers : désormais, les grandes entreprises non cotées et certaines PME entrent dans la danse. Cet élargissement fait de la transparence une norme incontournable pour des milliers d’acteurs supplémentaires.

Elle impose également une vision bien plus complète des impacts des entreprises, en exigeant que leurs rapports couvrent non seulement leurs propres activités, mais aussi celles de leurs chaînes d’approvisionnement. Les externalités, qu’elles soient sociales ou environnementales, ne peuvent plus être ignorées. Résultat : les entreprises doivent désormais prendre en compte l’ensemble de leur empreinte ESG.

Enfin, l’ambition derrière la CSRD est de rendre les données ESG des entreprises plus accessibles, compréhensibles et globales. À terme, elles pourraient être disponibles dans un grand registre commun européen, consultable par les investisseurs, consommateurs et régulateurs, au même titre que les états financiers.

Uniformiser les standards de communication extra-financière

La CSRD se fixe également l’objectif d’améliorer la comparabilité des performances ESG des entreprises. L’idée est en effet d’offrir un cadre harmonisé, afin que les rapports de durabilité des entreprises puissent être facilement analysés et mis en parallèle, d’une organisation à l’autre ou d’un secteur à l’autre.

En introduisant les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards), la CSRD instaure en effet une approche standardisée qui facilite la lecture et l’évaluation des données par les parties prenantes, qu’il s’agisse des investisseurs, des consommateurs ou des régulateurs.

Renforcer la fiabilité des informations ESG

La CSRD vise par ailleurs à améliorer la qualité et la crédibilité des rapports ESG. C’est pourquoi elle impose la certification obligatoire des rapports extra-financiers par des auditeurs externes ou des organismes tiers indépendants. Cette étape permet d’assurer que les informations publiées sont exactes, vérifiables et conformes aux normes ESRS.

Ce renforcement de la fiabilité des données devrait permettre de limiter les pratiques de greenwashing, en poussant les entreprises à présenter des informations transparentes et sincères sur leurs performances ESG. De quoi responsabiliser l’ensemble des acteurs économiques sur leurs engagements réels, et assurer la confiance des parties prenantes.

CSRD : des objectifs qui dépassent le simple reporting

La CSRD ne se limite pas à exiger des rapports extra-financiers standardisés et vérifiés. Derrière ces obligations de transparence se cache en réalité une ambition bien plus large : transformer profondément les pratiques des entreprises et accélérer leur transition vers une économie plus durable.

En d’autres termes, bien que cette nouvelle directive impose principalement des obligations en matière de publication, elle espère surtout provoquer un véritable passage à l’action, à travers notamment :

  1. Une prise de conscience sur l’importance de l’intégration des enjeux ESG dans la stratégie de l’entreprise

Grâce au principe de double matérialité introduit par la CSRD, les entreprises doivent désormais analyser :

  • Leur impact sur l’environnement et la société : quels effets leurs activités ont-ils sur les écosystèmes, les communautés et les parties prenantes ?
  • L’impact des enjeux environnementaux et sociaux sur leur activité : comment influencent-ils leurs performances financières et leur résilience à long terme ?

Cette approche incite les entreprises à identifier clairement les risques et les opportunités liés aux enjeux ESG, afin de mieux les gérer, d’anticiper les crises, et d’adapter leur stratégie en conséquence.

  1. Une transformation des pratiques des entreprises grâce à la pression du marché

La CSRD s’appuie également sur une logique de marché pour pousser les entreprises à l’action en matière de transition durable. Les acteurs économiques (investisseurs, consommateurs, partenaires) attendent en effet de plus en plus des entreprises qu’elles soient durables, responsables et transparentes.

Avec ses obligations de reporting renforcées, la CSRD agit comme un catalyseur de cette évolution, car les entreprises qui n’adopteront pas le tournant de la durabilité seront désormais exposées et risquent ainsi de subir des conséquences importantes :

  • Les consommateurs privilégieront les marques qui répondent à leurs attentes en matière d’éthique et de durabilité.
  • Les investisseurs se détourneront des entreprises perçues comme risquées ou non alignées sur les critères ESG.
  • Les partenaires préféreront collaborer avec des entreprises engagées et en accord avec leurs propres valeurs de durabilité.

Cette pression indirecte devrait agir comme un puissant levier pour transformer les pratiques internes des entreprises et favoriser l’adoption de modèles économiques plus durables.

Pour conclure, les objectifs de la CSRD dépassent largement le cadre du simple reporting. Cette directive ne se contente pas d’imposer des obligations administratives : elle vise à transformer les entreprises de l’intérieur, en faisant du rapport de durabilité un véritable levier stratégique.