Quelles sont les types de sanctions prévues par la CSRD ?

Par Françoise Mercadal-Delasalles
2 janvier 2025
5 min
Sommaire

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) marque un tournant pour les entreprises européennes, en instaurant des règles strictes pour le reporting extra-financier.

Mais quelles sont les sanctions prévues pour celles qui ne joueraient pas le jeu ou tarderaient à s’aligner ? Que risquent concrètement les entreprises qui dérogeraient aux exigences de cette nouvelle réglementation ? Décryptage dans cet article.

La CSRD, une réglementation particulièrement exigeante

La CSRD impose à près de 50 000 entreprises européennes de publier un rapport de durabilité, basé sur le principe de double-matérialité, c’est-à-dire en évaluant à la fois leur impact sur l’environnement et la société, ainsi que l’influence des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sur leur propre performance financière.

Entrée en application le 1er janvier 2024, cette nouvelle directive repose sur un déploiement progressif : les premières entreprises concernées devront publier leur premier rapport en 2025 (sur leur exercice 2024) tandis que d’autres catégories d’organisations n’y seront soumises qu’à partir de 2026, 2027 ou même 2028.

La mise en conformité à la CSRD représente un vrai défi pour les entreprises puisqu’elle exige de :

  • Suivre des standards de reporting très spécifiques, les normes ESRS, qui définissent les sujets précis sur lesquels les entreprises doivent publier des informations, ainsi que les données concrètes qu’elles doivent collecter (et elles sont nombreuses).
  • Soumettre le rapport à la certification d’un tiers, qui peut être soit un commissaire aux comptes (CAC), soit un organisme tiers indépendant (OTI). 

Le niveau de détail et de précision des ESRS place la barre très haut pour les entreprises, et l’obligation de certification ajoute une pression supplémentaire, en exigeant des données fiables, auditables, et strictement conformes aux standards.

Face à ce niveau d’exigence, connaître les sanctions applicables est indispensable pour mesurer l’ampleur des risques et se préparer aux implications concrètes de la non-conformité.

Sanctions prévues par la CSRD : un cadre européen, des déclinaisons nationales

Des sanctions qui dépendent de chaque état membre

“Si les textes européens définissent le cadre général, chaque État membre, y compris la France, a la responsabilité d'adapter les modalités d'application des sanctions dans son droit national”. 

Comme l’explique le Portail RSE du Ministère de l'Economie et des Finances et de l'incubateur des services numériques (beta.gouv), chaque pays de l’UE est libre de fixer les sanctions qui lui paraissent adaptées pour rappeler à l’ordre les entreprises qui ne se conformeraient pas à la CSRD.

Une seule consigne apparaît dans le texte de la Commission Européenne : les mesures prévues doivent être “effectives, proportionnées et dissuasives”.

Les sanctions de non-conformité à la CSRD prévues en France

En France, la CSRD a été transposée dans le droit français par l'ordonnance du 6 décembre 2023. Et les sanctions prévues en cas de non-conformité aux exigences sont précisées par le code de commerce.

Elles sont présentées de manière claire sur le Portail RSE précédemment cité, et comprennent :

  • Des amendes administratives : elles devraient s’élever à 3 750 euros en cas de non publication du rapport ou de publication d’informations partielles ou erronées, mais elles pourraient atteindre un montant maximal de 150 000 euros, déterminé en fonction de la gravité du manquement et de la situation financière de l’entreprise.
  • Des injonctions de se conformer : elles visent à imposer des amendes supplémentaires sous la forme de pénalités de retard, pour les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations dans le délai imparti.
  • Une publicité des décisions de sanction : la décision de sanction pourra être rendue publique, engageant ainsi directement la réputation de l’entreprise.
  • Des sanctions spécifiques aux dirigeants : ces derniers pourront être sanctionnés personnellement, avec des peines significatives.some text
    • Jusqu’à 30 000 euros d’amende et 2 ans d'emprisonnement en cas d’absence d’audit du rapport extra-financier.
    • Jusqu’à 75 000 euros d’amende et 5 ans d'emprisonnement en cas de manquements graves, comme en cas d'entrave aux vérifications ou contrôles des auditeurs.

Les sanctions prévues dans les autres pays de l’UE

Les informations détaillées sur les sanctions prévues dans les autres pays européens sont encore limitées. 

La directive devait en effet être transposée par chaque État membre avant le 6 juillet 2024, mais beaucoup de pays n’ont pas respecté cette deadline. Ils ont d’ailleurs été rappelés à l’ordre par la Commission Européenne en septembre dernier.

Il faudra donc encore patienter pour obtenir une vision claire et complète des sanctions appliquées dans l’ensemble des pays de l’UE.

Sanctions de la CSRD : pour aller plus loin

Un cadre d’application qui doit encore se préciser

Les autorités européennes et nationales sont toutefois bien conscientes des défis que pose la mise en œuvre de la CSRD : 

  • Les entreprises doivent non seulement se conformer à des exigences complexes, mais aussi intégrer ces nouvelles pratiques dans leur stratégie globale. Ces adaptations ne vont pas se faire du jour au lendemain.
  • Les auditeurs vont devoir engager leur responsabilité sur les rapports de durabilité qu’ils vont certifier. Or, les premières années, la grande majorité de ces rapports risquent d’être imparfaits.

Un équilibre devra donc être trouvé entre l’exigence de conformité et la réalité d’une phase d’apprentissage, tant pour les entreprises que pour les auditeurs eux-mêmes.

Pour ces raisons, il est probable que les sanctions de la CSRD ne s’appliquent pas avec une trop grande rigueur les premières années, pour ne pas entraver l’activité des entreprises, en particulier des plus petites structures, et permettre aux auditeurs de s’adapter progressivement à leurs nouvelles responsabilités.

Des sanctions réglementaires… aux sanctions du marché

Pour finir, il faut noter que la non-conformité à la CSRD risque d’imposer plus que des sanctions réglementaires aux entreprises. En effet, il est probable que les entreprises qui ne respectent pas les nouvelles exigences de transparence s’exposent à des sanctions implicites de la part du marché.

Le non-respect des nouvelles normes ESG pourrait ternir l’image des entreprises concernées, et entraîner des répercussions majeures, telles que :

  • Une perte de confiance des investisseurs : les acteurs financiers intègrent désormais les critères ESG dans leurs décisions. Une entreprise non conforme risquera à l’avenir de perdre en attractivité et de voir ses opportunités de financement se réduire drastiquement.
  • Une restriction de l’accès à certains marchés ou partenariats : les entreprises engagées dans une démarche ESG cherchent des partenaires alignés avec leurs valeurs. La non-transparence pourrait isoler une entreprise et réduire ses collaborations stratégiques.
  • Un rejet de la part des consommateurs : une entreprise perçue comme non transparente ou non engagée sur ces enjeux risquerait de voir ses produits et services délaissés au profit de ceux de concurrents jugés plus responsables.

Finalement, au-delà des sanctions officielles, la CSRD devrait instaurer une dynamique où le non-respect des exigences pourrait indirectement marginaliser les entreprises dans un système économique de plus en plus tourné vers la durabilité et la responsabilité. Un enjeu qui mérite d’être suivi de près dans les années à venir !